JEWELRY PREVIEW
I'M LOOKING FOR A GRAPHIC DESIGNER JOB
INTRODUCTION | LA PRISON, MAIS POURQUOI ?
La définition d’un thème de recherche, en deuxième année de DSAA, est une tâche difficile à accomplir, en particulier lorsque vous vous reconnaissez dans la philosophie : « as long as you don’t choose everything remains possible »1. C’est donc initialement sous la forme d’une longue liste, que ce sont présentées mes premières propositions de thèmes de recherche, en fin de première année. Parmi ces sujets potentiels, deux mots – univers carcéral – rapidement mis entre parenthèses, pour plusieurs raisons. En effet, bien que le sujet me soit rapidement venu à l’esprit – et sans que je ne me l’explique rigoureusement –, c’est tout aussi rapidement que je l’ai écarté, tant l’idée d’aborder le thème de la prison semblait un défi difficile à relever. Et pour cause : la prison est, de par sa fonction, un lieu clos, maintenu à l’écart de la société et donc difficile d’accès, pour lequel on dispose de peu d’images, de peu d’informations. Elle appartient, aujourd’hui encore, à la grande famille des sujets tabous. Mais en y réfléchissant davantage, il m’est apparu que ce sujet, immédiatement classé comme « inabordable » par mes soins, était peut-être justement très exactement celui à aborder en tant que thème de recherche. Parce que l’on voudrait la rendre relativement invisible, la prison entre effectivement en contradiction avec le principe même de la communication visuelle, et c’est dans cette confrontation que se situe, selon moi, l’intérêt d’un tel sujet.
_______
1 Jaco van Dormael, Mr. Nobody, 2009
PRÉLUDE | REPRÉSENTER L'ENFERMEMENT
Il s'agit ici d'interpeller par une intervention in situ (ancienne prison Saint-Michel à Toulouse), en apposant un œilleton fictif sur le mur d'enceinte de la prison.
..............................................................................................................................................................
..............................................................................................................................................................
Photographie personnelle.
..............................................................................................................................................................
Création d'images kaléidoscopiques propices à l'évasion, à partir d'images représentant l'enfermement.
CHAPITRE 1 | L'IMPOSSIBLE REPRÉSENTATION
Lorsque l'on aborde l'univers carcéral sous l'angle de la question de l'image, il est frappant de voir à quel point la population carcérale est peu – et souvent mal – représentée. Pour des raisons bien compréhensibles de préservation de l'anonymat, les portraits de détenus sont en effet systématiquement barrés d'un cache noir. De manière plus générale encore, un article du Code pénal stipule que « aucune photographie de l'intérieur de la prison ne peut être effectuée sans autorisation spéciale du ministre ; il en est de même de tout croquis, prise de vue ou enregistrement sonore se rapportant à la détention ». De fait, on peut dire que le moment de la détention apparaît comme un temps de hors-cadre ; d'ailleurs, le placement en détention n'est-il pas généralement défini comme une « mise en marge » de la société ?
..............................................................................................................................................................
DES DÉTENUS OUBLIÉS
Tentative de retranscription graphique du processus d'oubli.
..............................................................................................................................................................
..............................................................................................................................................................
Tribute to Sagmeister.
..............................................................................................................................................................
DES DÉTENUS SANS IMAGE
Ceci est le portrait d'un détenu.
..............................................................................................................................................................
Portraits ton sur ton : gaufrage & mine de plomb sur papier noir.
..............................................................................................................................................................
Portraits hors-cadres.
..............................................................................................................................................................
« Le moment de la prison est un temps de hors-cadre, de non-existence visible du point de vue de l'extérieur. »
Mathieu Pernot, Hautes surveillances, 2004
..............................................................................................................................................................
DES DÉTENUS STÉRÉOTYPÉS
Portrait « moyenne » réalisé par superposition de 3 portraits de détenus, issus de 3 films français récents : Sur mes lèvres (Jacques Audiard, 2001), Un prophète (Jacques Audiard, 2008) et Qu'un seul tienne et les autres suivront (Léa Fehner, 2009).
..............................................................................................................................................................
Prison et préjugés... Commentaires relevés sur un forum de discussion, au sujet d'un article traitant de l'univers carcéral, publié sur rue89. Il s'agit ici de mettre en image certains points de vue issus de l'opinion publique, de la manière la plus brute qui soit : je procède par captures d'écran, puis j'augmente la taille de ces images jusqu'à l'obtention de cet effet de pixellisation. Ce brouillage colorimétrique traduit un bouillonnement, un malaise relatif au sujet sensible que constitue l'univers carcéral en France.
CHAPITRE 2 | L'ABSENCE DES FEMMES
Au cours de mon investigation sur l'univers carcéral, une seconde thématique s'est rapidement faite remarquer : celle de la non-mixité. Si ce phénomène peut facilement s'expliquer par l'impératif sécuritaire, il semble relativement aberrant dans la mesure où l'administration pénitentiaire prétend réinsérer au sein d'une société mixte.
..............................................................................................................................................................
DES FEMMES OUBLIÉES
Tentative de retranscription graphique du processus de délitement du souvenir. J'utilise ici un phénomène que les dessinateurs adeptes de la mine de plomb connaissent bien : l'estompage involontaire du dessin avec la tranche de la main... Ainsi, de la même façon que lorsque l'on s'applique à dessiner, les détails sont malgré tout endommagés par ce phénomène ; lorsque les détenus s'efforcent de se remémorer des éléments féminins, leurs souvenirs ont tendance à leur échapper.
Texte de Jacques Lesage de La Haye, La guillotine du sexe, 1978
..............................................................................................................................................................
Se souvenir de l'autre en prison, c'est reconstituer un corps désormais absent. Le souvenir reste incomplet, parcellaire : on se souvient généralement très bien des détails (grains de beauté, plis, cicatrices) tandis que l'image globale reste
difficile à recomposer.
..............................................................................................................................................................
UNE PEINE SUPPLÉMENTAIRE
Parce que chez des individus à la sexualité déjà relativement fragile, la privation peut rapidement entraîner l'obsession...
..............................................................................................................................................................
Portrait d'une surveillante pénitentiaire, réalisé à l'aide de centaines d'images pornographiques.
..........................................................................................................................................................
Dans le contexte carcéral, tout corps féminin – même ceux que notre société ne considère pas comme attirants – devient objet de fantasme.
Crédits photographiques
(1) Barbara Klemm : Femme en blouse tablier, Francfort, 1974
(2) Lisette Model : Promenade des Anglais, Nice, 1937
(3) Lisette Model : Femme au voile, San Francisco, 1949
(4) Lisette Model : Baigneuse à Coney Island, Coney Island, 1939
..............................................................................................................................................................
Textes extraits de La guillotine du sexe, Jacques Lesage de La Haye, 1978
Dans son ouvrage intitulé La guillotine du sexe, l'ancien détenu Jacques Lesage de La Haye évoque la peine supplémentaire que constitue la privation de sexualité à l'intérieur des murs. Il évoque par ailleurs l'existence de multiples troubles comportementaux au sein de la population carcérale : la mutlitude des techniques de masturbation qu'il énonce en est un bel exemple...
..............................................................................................................................................................
FEMMES DE DÉTENUS
« à Fleury, il y a tellement de détecteurs de métaux [...], qu'au fur et à mesure, je mettais plus de bijoux du tout, et donc c'était une façon de perdre mon identité aussi, de jeune fille, de jeune femme »
« aller au parloir, ça devient une façon de s'abstraire du monde, [...], quand on va voir quelqu'un en prison, quelqu'un qu'on aime, on est envahi et on est soi-même enfermé, et on est complètement envahi par ce parloir, par cette prison »
Anne Savelli, interview France Culture, 2011